Light of my life

Casey Affleck, il est difficile de le croire, a rigoureusement le même âge que Joaquin Phoenix. Ils ont d’ailleurs collaboré dans la première réalisation long format d’Affleck. Révélé légèrement plus tard que le Joker, le frère de Batman a néanmoins décroché son Oscar trois ans plus tôt avec le sublimissime Manchester by the sea.

Auréolé de cette consécration il présente sa « véritable » première réalisation, le susmentionné I’m still here étant par définition un objet filmique très (trop ?) particulier.

 

Dès le début le ton est donné avec une lonnnnngue séquence de dialogue entre le père et son enfant, installant doucement mais sûrement le fait qu’il s’agit d’une fille dans un monde (pas si loin de celui de Les fils de l’homme) où toutes les femmes ont disparu… La suite élargira petit à petit ce contexte global, à savoir un monde « semi » post-apocalyptique car en reconstruction sociale mais encore invivable pour une fille survivante…

Le rythme est indéniablement lent, bien plus que dans Sans un bruit par exemple, mais cela ne fait que mieux servir les rares scènes de tension et notamment la fin au summum du stress.

 

Le réalisateur et scénariste parvient à livrer un post-apo arty : comme La Route en plus sophistiqué, aux images plus léchées. De par son minimalisme, la performance d’Affleck marque encore plus que celle de Viggo (et pourtant Dieu sait que je l’aime !) ; bien appuyée il faut le dire par la bluffante Anna Pniowsky dans le rôle de la fameuse petite fille.

En bref pas un film à prix ni dont on se souviendra dans des décennies, mais une promesse encourageante pour les futures réalisations de celui qui s’est déjà imposé comme un (très) grand comédien.

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A Beautiful Day

A beautiful day…étrange adaptation du titre original You were never really here, plus évocateur et clin d’œil au I’m still here déjanté de Casey Affleck ; probablement trop peu compréhensible pour les gaulois.

Le marketing du film parle d’un Taxi Driver…le raccourci est assez simple, car basé uniquement sur des éléments bien précis de l’histoire (marginal, ancien militaire, brute au bon cœur qui sauve une jeune fille) qui ne font pas l’essence du long-métrage. S’il n’est pas exempt de défauts, contrairement au chef d’oeuvre de Scorsese, ce quatrième long de Lynne Ramsay (à qui l’on devait déjà l’excellent We need to talk about Kevin) a le mérite comparatif d’être beaucoup plus libre, inclassable, et même plus graphique.

 

Le scénario, relativement contemplatif jusqu’à la moitié du film où les « affaires » commencent, est extrêmement bien ficelé (mais ne méritait peut-être pas le Prix du Scénario à Cannes) ; en revanche la réalisation, elle, est d’une justesse et d’une fraîcheur qui aurait pu rafler la Palme d’or si Ruben Östlund n’était pas déjà passé par là. Les effets, les tableaux, la lumière, la mise en scène…un petit régal.

 

Joaquin Phoenix, un de mes acteurs préférés et un des rares dont la filmographie soit encore immaculée (soyez sympa, on pardonne Signes), est tout simplement magnétique. Il porte intégralement l’interprétation du film, avec toute la finesse et la force brute (quelle intensité dans ce regard !) dont il simultanément capable, épisodiquement épaulé par la jeune et talentueuse Ekaterina Samsonov.

Un prix d’interprétation à Cannes pas volé pour un sou, qui vient s’ajouter tout de même à trois nominations aux Oscars, une Coupe Volpi à Venise et un Golden Globe. A quand l’Oscar ?

 

Le score de Jonny Greenwood, le guitariste de Radiohead, est tout à fait à la hauteur en termes d’intensité.

 

Saluons enfin le fait que ce film soit une coproduction française menée par Why Not Productions, une des boîtes françaises les plus ambitieuses et une des seules à pouvoir porter des projets de cette ampleur et de cette qualité (comment ça j’essaie de me faire embaucher ? C’est faux !).

 

A voir absolument.

martin