First Man

Quand on a gentiment posé Whiplash puis La La Land devant un monde qui ne s’y attendait pas, on prend légitimement une place de réalisateur « premium ». Raison pour laquelle j’ai bravé les mauvais chiffres (40.000 entrées en semaine 1, soit 10.000 de moins que Le Jeu et moitié moins que Yeti et compagnie !) et cette horripilante mode du biopic afin de donner une chance à ce First Man.
Fait surprenant que de ne pas encore avoir eu de film retraçant la vie de l’homme ayant réalisé une des plus incroyables, des plus poétiques premières fois de l’humanité. A fortiori une des rares diffusées dans le monde entier.
Loin des prouesses d’un Gravity ou de la profondeur métaphysique et scientifique d’un Interstellar, Chazelle souhaite poser un regard humain sur un parcours semé de lourdes pertes et d’échecs. En effet le parcours d’Armstrong est ici axé sur la perte de sa fille, puis de ses collègues et amis les uns après les autres, et au dernier chef sur les programmes spatiaux successifs.
Ainsi ce ne sont pas tant les scènes spatiales qui retiennent l’œil (bien que l’introduction et l’ensemble des vues subjectives soient captivantes) mais plutôt les scènes quasi malickiennes (il n’y avait pas que du mauvais dans The Tree of Life !) de vie familiale ; ce père qui craint l’affection dans une vie de danger permanent.
Pour ceux qui en doutaient, Gosling prouve qu’il est un grand qui ne se cantonnera pas aux comédies romantiques ou aux claquettes. Les seconds rôles sont également trois étoiles : Corey Stoll, Jason Clarke, Shea Whigham, et mon petit chouchou de toujours Kyle Chandler alias Coach Taylor.
En bref une très belle épopée parsemée d’émotions spatiales à couper le souffle : sans musique, au bord de votre fauteuil, dans le casque de Neil Armstrong.
A voir, ne serait-ce que pour inverser la courbe des chiffres !

Le sens de la fête

Les lendemains de succès sont toujours difficiles…avec presque 20 millions d’entrées en France et plus de 50 millions dans le Monde, Intouchables a mis une sacrée pression sur le duo Toledano/Nakache. On l’a bien vu avec Samba, qui était franchement raté. Mais deux teasers bien ficelés et un Bacri apparemment en grande forme ont suffi à me tenter.

Forcément moins touchant que dans l’excellent La vie très privée de Monsieur SimJean-Pierre Bacri n’en rappelle pas moins ici tout son génie. Encore et encore : drôle dans son éternel personnage de râleur cynique, mais capable de changer de registre en une grimace ou un regard.

C’est clairement ce grand monsieur qui porte le film, malgré quelques éclairs de génie de Gilles Lellouche en DJ ultra beauf et une excellente performance de Benjamin Lavernhe (Comédie Française oblige) dans le rôle du connard show-off.

Car dans l’ensemble, ce film souffre de nombreuses lacunes : sorte de vaudeville un peu gras, avec ses gags récurrents (au moins 4 ou 5 personnages n’ont de raison d’exister que leur running gag qui revient parfois plus de quatre fois dans le film…) et son scénario prévisible au possible. Pour couronner le tout, une musique de fond qui se veut « déstructurée » sorte de freestyle de jazz à la Whiplash…mais en plus énervé et moins maîtrisé. Bref, en pénible.

 

Au-delà de tout cela, c’est la formule Toledano/Nakache qui me pèse déjà : vous voyez ce savant mélange de bien-pensance « ethnico-religieuse ». Certes légère et bien venue en ces temps troublés, elle finit par enlever toute saveur à la moindre blague et surtout devient fort répétitive, voire contre-productive.

Pour exemple dans ce dernier film, le rôle des indiens qui ne parlent pas un mot de français et font tout « pour s’intégrer »… Drôles une fois, deux fois, et puis juste lourds.

 

Le duo va devoir se trouver un autre modèle, d’aucuns diront fonds de commerce…

 

Sortie le 4 octobre 2017.

PS : 15 millions pour un film tourné sur un seul décor ou presque, et dont le main cast est Jean-Pierre Bacri, je dis chapeau !


La La Land

Mais quel engouement ! Les critiques, le public, les récompenses (sept Golden Globes, 14 nominations aux Oscars)…un succès annoncé. Je n’aime pas trop ça.

Et pourtant, quelle régalade infinie !

 

La scène d’ouverture, un peu survendue par les critiques, relève tout de même il faut l’avouer du tour de force. Je n’en rajouterai pas, je vous laisse découvrir. Balèze quand même.

Suit une petite phase durant laquelle j’ai eu « peur » d’un remake déguisé de Crazy Stupid Love (les guillemets s’expliquent par l’affection sans faille que je porte à ce film), avec ces éternelles phases de « suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis ». Finalement il n’en est rien, et le film décolle. Une folie je vous dis.

Pour moi tout a commencé avec LA rencontre, accompagnée de ce magnifique thème au piano qui reviendra si souvent dans l’incroyable bande-originale de Justin Hurwitz (qui récidive donc après Whiplash give that man an Oscar !). J’étais accroché pour de bon.

 

Emma Stone, que je n’ai jamais particulièrement trouvée belle mais plutôt attachante, rayonne et chante comme une déesse ; Ryan Gosling, ce demi-dieu, sait décidément tout faire puisqu’il joue (merveilleusement bien) du piano et chante et danse et j’en passe… Quel casting parfait. Pour vous dire : le seul véritable second rôle du film est assumé par John Legend, qui se débrouille plus que bien et a par ailleurs composé un excellent morceau de la b-o.

Cette magnifique histoire d’amour, le jazz (merci M. Chazelle de réhabiliter le jazz, merci !), la passion du cinéma : voilà un film qui fait rêver.

 

Ce petit bijou vous emporte dans son monde et vous donne tout simplement envie de vivre : chanter, danser, tomber amoureux, s’engueuler, pleurer, recommencer !

Chose rare, même la fin est à la hauteur de tout le reste : poétique et vrai, l’épilogue est un condensé d’émotions qui va vous hanter pendant quelques jours et vous donner envie de retourner voir ce film le plus vite possible.

 

Deux premiers films à seulement 32 ans, deux objets hors normes sans aucun défaut : Damien Chazelle est un génie. Même le choix du cinémascope, souvent galvaudé ces temps-ci, vient ici sublimer le paysage urbain de Los Angeles.

 

Courez voir ce film : rêvez, pleurez, débriefez, et allez écouter la bande-originale en boucle !

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Les 4 Fantastiques

Je me disais bien: « Ça fait longtemps que la mode des films de super-héros n’a pas pondu une merde infâme ! ». Rassurez-vous, c’est chose faite.

On était pourtant en mesure de s’attendre à une agréable surprise: Josh Trank à la réalisation, qui avait surpris tout le monde avec son premier et excellent film ChronicleMiles Teller, dont je suis amoureux (comment ne pas l’être ?!) depuis Whiplash, dans le rôle principal; le très talentueux mais néanmoins encore sous-utilisé au cinéma Michael B. Jordan (même si oui, on le sait, sa couleur de peau a obligé les scénaristes à faire de la femme invisible sa sœur adoptée et non biologique); et enfin la ravissante Kate Mara, qui n’a pas laissé les fans de House of Cards indifférents.

Et bien non, c’est raté. Tout d’abord parce que le scénario, de la première à la dernière seconde, est cousu de fil blanc. Et je ne vous parle même pas des dialogues…

Mais surtout, il y a aussi bien visuellement que dans les décors ou la réalisation une constante impression de cheap qui ne peut tout simplement pas passer dans un comic movie sur la téléportation dans une autre dimension. Pas possible.

 

En fait je m’en veux parce que tout était dans la stylisation du titre: « Les fant-quatre-stiques ». Et puis merde, il n’y avait pas Jessica Alba.

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A most violent year

Je comprends la démarche, assez proche de Margin Call (premier film du réalisateur J.C Chandor), de vouloir dépeindre à la fois la gestion entrepreneuriale et la vie de famille d’un homme en crise…mais cela manque tout simplement de rythme.

Et pourtant quel casting ! Oscar Isaac, Jessica Chastain, David Oyelowo, et j’en passe…et tous jouent merveilleusement bien. Notamment Isaac, presque méconnaissable en businessman avec des faux airs de Sarkozy, est ici impeccable à des années-lumières d’Inside Llewyn Davis. A noter, les fans de How I Met Your Mother remarqueront la présence d’un visage familier, en la personne d’Ashley Williams.

Filmée en cinémascope, l’image est absolument parfaite; New-York côté Brooklyn, tout simplement magnifique.

Le film tient son titre de son cadre temporel: l’hiver 1981, saison la plus criminelle de l’histoire de la grosse pomme. Il paraît.

Mais tout cela ne fait pas un film, et après avoir vu hier un chef d’œuvre ayant coûté trois fois moins cher (pour la séance de rattrapage, c’est Whiplash !), je dois avouer que ce film ne sera jamais rien d’autre que deux heures perdues dans ma vie !

On ne peut pas taper juste à tous les coups.

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Whiplash

Les films musicaux sont trop rares. Les bons films musicaux sont rares. Les films sur un batteur sont très rares. Les films sur un batteur inconnu sont…un nouveau genre, ouvert avec brio.

Comme toutes les grandes choses, il suffit de peu de mots pour dire à quel point ce film est un chef-d’œuvre. Ils étaient pourtant inscrits sur l’affiche en gros caractères, mais il fallait le voir pour le croire: « Magistral, jouissif, une révélation ». Pour une fois tout est vrai.

Vous allez être surpris, et ce du début à la fin; vous allez être transportés; que vous soyet métalleux ou fan de Chimène Badi, vous allez ressentir un irrépressible besoin de jazz. Bête de travail ou flemmard planétaire dans mon genre, vous allez sentir des ailes vous pousser: travail, travail, travail; transpiration, nuits blanches, sang… Le génie naît dans le travail.

Ce film est porté par deux acteurs: Miles Teller, jeune et vu seulement dans Footloose, Divergente ou Projet X, révèle ici tout son potentiel…et quel potentiel; J.K. Simmons, grand acteur dans les bons films comme dans les (trop nombreux) mauvais, interprète ici avec génie LE professeur tyrannique qui se cache derrière la plupart des grands génies.

Comme il se doit pour un grand film les scènes d’ouverture et de fermeture, évidemment connectées, sont de purs bijoux.

Chapeau bas, posé au sol, à Damien Chazelle dont c’est le premier long-métrage.

 

A la fois grand bonheur et déception, il se pourrait bien que mon film préféré en cette année 2015 soit un film sorti…le 24 décembre 2014 !

PS: Vous vous le demanderez comme tout le monde, Miles Teller joue-t-il « vraiment » à la batterie? Oui et non: il s’est énormément entraîné, mais pas au point de pouvoir jouer des solos endiablés comme celui de la scène finale (un excellent article, à lire ! http://www.nola.com/movies/index.ssf/2014/11/is_miles_teller_really_playing.html)…donc en plus d’un film extraordinaire, c’est un exploit de montage !

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